Contexte
Certaines substances chimiques présentes dans l’environnement et dans les produits de consommation sont étudiées pour leurs effets sur la santé périnatale et le développement de l’enfant. Parmi elles figurent les PFAS (substances per- et polyfluoroalkylées), des composés persistants dans l’environnement, ainsi que des phénols comme le bisphénol S et des parabènes tels que le méthylparabène, classés comme perturbateurs endocriniens avérés ou suspects selon les cas.
Étude sur les PFAS (publication PNAS)
Objectif et population
Des chercheurs ont examiné l’association entre la contamination de l’eau potable par des PFAS autour de sites industriels et des indicateurs de santé à la naissance. Ils ont identifié une quarantaine de sites industriels dans l’État du New Hampshire (États-Unis) et utilisé des données couvrant plus de 10 000 grossesses des années 2010.
Méthode
Les équipes ont comparé les issues de grossesse selon la position géographique des domiciles maternels par rapport aux sites identifiés (en amont ou en aval). Les indicateurs analysés comprenaient la mortalité infantile avant un an, la prématurité et le faible poids à la naissance.
Résultats
La comparaison a mis en évidence une augmentation relative des risques chez les enfants nés dans les zones situées en aval des sites étudiés : +191 % pour la mortalité infantile avant un an, +20 % pour la prématurité et +43 % pour le faible poids à la naissance.
Limites
Les auteurs et commentateurs soulignent que le nombre absolu de décès reste faible, ce qui modère l’interprétation des pourcentages relatifs. La méthodologie renforce la plausibilité d’un lien entre exposition et effets observés, mais elle ne permet pas d’attribuer ces effets exclusivement aux PFAS : d’autres polluants présents sur les sites peuvent contribuer aux associations observées.
Conséquences réglementaires
La gestion des PFAS est discutée dans plusieurs juridictions. Certaines mesures de restriction et des programmes de surveillance de l’eau potable ciblant des composés spécifiques ont été envisagés ou mis en place dans divers pays.
Étude sur les phénols (publication Lancet Planetary Health)
Objectif et population
Une équipe européenne a évalué l’association entre l’exposition prénatale à des phénols — en particulier le méthylparabène et le bisphénol S — et des scores de comportement chez les enfants. L’analyse s’appuie sur deux cohortes : 1 080 dyades recrutées par le Barcelona Institute for Global Health et 484 dyades recrutées dans la région grenobloise.
Méthode
Pour caractériser l’exposition pendant la grossesse, les chercheurs ont recueilli entre 24 et 42 échantillons d’urine par mère au cours des deuxième et troisième trimestres, permettant une caractérisation fine des expositions aux phénols. Le cortisol maternel a été mesuré dans des échantillons de cheveux en fin de grossesse pour explorer une voie biologique liée au stress. Le comportement des enfants a été évalué par les parents à l’aide du Child Behaviour Checklist (CBCL) environ 18 à 24 mois après la naissance.
Résultats
Le méthylparabène a été détecté chez toutes les mères analysées. Des niveaux plus élevés de méthylparabène au troisième trimestre s’associaient à des scores CBCL supérieurs, reflétant une fréquence accrue de signes comportementaux (anxiété, agressivité, difficultés d’attention, plaintes somatiques, troubles relationnels). Une association comparable a été observée pour le bisphénol S, mais limitée aux garçons.
Aucun effet statistiquement robuste lié aux mélanges de différents phénols n’a été mis en évidence. Les mesures de cortisol dans les cheveux n’ont pas confirmé le rôle médiateur de l’axe hypothalamo‑hypophyso‑surrénalien ; les auteurs évoquent d’autres mécanismes possibles, comme des perturbations thyroïdiennes ou des voies œstrogéniques.
Forces et limites
Parmi les points méthodologiques positifs figurent le grand nombre de prélèvements urinaires par mère, la taille des cohortes et la diversité des profils maternels. Ces éléments améliorent la précision de l’estimation de l’exposition et la généralisabilité. Les limites incluent l’utilisation d’un questionnaire parental (CBCL) qui fournit des scores de risque mais pas un diagnostic clinique, ainsi que des tailles d’effet modestes à l’échelle individuelle.
Synthèse et perspectives
Les deux travaux rapportent des associations entre expositions prénatales à des substances chimiques et des indicateurs de santé néonatale ou comportementale infantile. Ils diffèrent par leurs conceptions, populations et indicateurs, mais convergent sur l’idée que la période prénatale est une fenêtre de sensibilité aux expositions chimiques. Les résultats comportent des incertitudes méthodologiques et d’interprétation, notamment pour l’attribution causale lorsque plusieurs polluants coexistent, et quant à l’importance des effets au niveau individuel.
Les équipes recommandent de poursuivre les études épidémiologiques et expérimentales, d’investiguer les mécanismes biologiques, d’affiner l’estimation des risques et d’éclairer les décisions de gestion et de réglementation des substances concernées.








