Contexte
La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, dirigée par Dominique Simonnot, a publié un rapport évaluant l'effectivité du contrôle juridictionnel des hospitalisations psychiatriques sans consentement. Le rapport, diffusé le 11 décembre 2025, met en évidence des atteintes aux droits des patients liées aux restrictions de la liberté de circulation et au recours à des mesures d'isolement et de contention.
En 2022, en France, 286 000 personnes ont été hospitalisées à temps plein en psychiatrie ; parmi elles, 76 000 l'ont été sans leur consentement.
Contrôle juridictionnel et évolutions légales
Depuis le début des années 2010, le juge judiciaire exerce un contrôle systématique des hospitalisations sans consentement, à la suite de décisions de la Cour européenne des droits de l'homme et du Conseil constitutionnel. Les mesures d'isolement et de contention sont soumises au contrôle du juge depuis 2022. Ces mesures doivent rester des moyens de dernier recours destinés à prévenir un dommage immédiat ou imminent pour la personne ou pour autrui.
Principaux constats
Le rapport constate que, malgré l'existence d'un contrôle juridictionnel, de nombreuses situations portent atteinte aux droits des patients. Les constats portent principalement sur la limitation de la liberté d'aller et venir des patients et sur la mise en œuvre de mesures d'isolement et de contention en dehors du cadre prévu par le Code de la santé publique.
Le document souligne que la généralisation du contrôle judiciaire a favorisé une réflexion sur le recours à ces mesures et a contribué à la diminution de certaines pratiques, sans toutefois garantir une protection complète des droits des patients.
Causes identifiées
L'analyse met en relation les atteintes observées et des facteurs structurels du système psychiatrique : accès aux soins dégradé, moyens insuffisants et inégalités territoriales. Le rapport s'appuie sur l'analyse de la jurisprudence nationale et européenne ainsi que sur des entretiens avec des acteurs judiciaires, des professionnels de santé, des représentants de familles et des autorités sanitaires.
Le texte souligne également la vulnérabilité des personnes concernées, qui limite leur capacité de défense au cours des procédures judiciaires, et rappelle que le juge n'est pas en mesure d'apprécier la nécessité médicale des mesures.
Lacunes et zones grises
Le rapport identifie des manques de contrôle dans plusieurs situations :
- contraintes appliquées aux patients psychiatriques en services d'urgences ;
- isolement et contention de mineurs ;
- placement et fonctionnement des unités de soins intensifs psychiatriques en l'absence d'encadrement légal et de contrôle adapté ;
- placement en unités pour malades dits difficiles, qui fait l'objet d'un contrôle limité.
Il note aussi des difficultés d'exécution des décisions judiciaires dans certains établissements.
Recommandations
Le rapport formule 27 recommandations visant à renforcer la protection des droits des patients. Parmi elles :
- améliorer les procédures pour faciliter l'accès au recours juridictionnel des patients ;
- renforcer la formation et la spécialisation des juges et des avocats intervenant sur ces questions ;
- engager des actions judiciaires pour rechercher la responsabilité des établissements en cas de conditions d'hospitalisation indignes ;
- combler les lacunes du droit pour les mineurs, les services d'urgences et les unités de soins intensifs psychiatriques ;
- renforcer la formation des professionnels de santé sur les alternatives à la contrainte ;
- mettre en place un suivi quantitatif du recours à l'isolement et à la contention, susceptible d'informer les modalités de financement et d'organisation des établissements.
Réactions institutionnelles et contexte international
Le rapport mentionne des appels d'organisations internationales et d'acteurs nationaux en faveur d'une réduction de l'usage de la contention. Le plan stratégique présenté par le gouvernement en juin 2025 reconnaît que l'isolement et la contention restent parfois nécessaires mais qu'ils doivent demeurer des mesures de dernier recours.
Conclusion
Le rapport de la Contrôleure générale met en évidence des lacunes persistantes dans la protection des droits des personnes hospitalisées sans consentement en France. Il propose un ensemble de recommandations visant à renforcer le contrôle juridictionnel, améliorer l'accès aux recours, mieux encadrer les pratiques de contrainte et renforcer les moyens et la formation des acteurs concernés.








