Contexte
La Commission européenne a présenté en mai 2022 une proposition visant à lutter contre la diffusion d'images et de vidéos d'abus sexuels sur des enfants et contre la sollicitation d'enfants en ligne. La proposition concerne les plateformes et services de messagerie en ligne et suscite des débats entre États membres, institutions européennes, autorités de protection des données, entreprises de messagerie et organisations de la société civile.
Contenu de la proposition
Le texte propose d'obliger les plateformes et services de messagerie à détecter et à signaler certains contenus à caractère pédopornographique. La détection actuellement réalisée de manière volontaire par certaines plateformes est, selon la Commission, insuffisante. Les règles en vigueur sont prévues jusqu'en avril 2026 en attendant l'adoption éventuelle d'une nouvelle obligation légale générale.
Arguments en faveur
Des associations de protection de l'enfance et des représentants de l'exécutif européen estiment que l'obligation de détection permettrait de réduire la prolifération de contenus d'abus d'enfants et d'identifier des réseaux de sollicitation en ligne. Un porte-parole de la Commission a déclaré que la proposition vise à protéger les enfants et que la surveillance généralisée des communications n'est pas prévue dans le texte.
Un rapport de l'Internet Watch Foundation (IWF) publié en 2024 indiquait qu'une part importante des contenus identifiés était hébergée sur des serveurs situés dans l'Union européenne, ce qui figure parmi les éléments cités pour justifier un renforcement des obligations des plateformes.
Critiques et risques identifiés
Plusieurs autorités de protection des données, certains eurodéputés, des États membres et des fournisseurs de messageries chiffrées considèrent que la proposition soulève des risques pour le respect de la vie privée et la confidentialité des correspondances. Les critiques portent sur l'utilisation de technologies de détection qui pourraient scanner des communications privées, y compris dans des messageries chiffrées de bout en bout.
Des acteurs opposés au texte ont exprimé la crainte que des systèmes de détection automatique puissent être détournés ou étendus à d'autres finalités, et que le secret de la correspondance pour des lanceurs d'alerte ou des opposants politiques soit affecté. Ces positions ont été relayées publiquement et via des campagnes sur les réseaux sociaux sous la bannière « Stop Chat Control ».
Garde-fous et modalités proposées
La présidence du Conseil, assurée par le Danemark lors de l'examen le plus récent du texte, a présenté une version accompagnée de dispositions qualifiées de garde-fous. Parmi les modalités mentionnées figurent la limitation de la détection aux images et aux liens (et non aux textes) et la mise en oeuvre de la détection sous condition d'une décision d'une autorité judiciaire ou administrative indépendante.
Les partisans du texte indiquent que ces modalités visent à restreindre les cas d'activation des systèmes de détection et à éviter une surveillance généralisée des communications.
Perspectives et scénarios d'adoption
Lors des négociations entre États membres, le soutien de certains pays est jugé déterminant en raison des règles de majorité qualifiée. Deux scenarios principaux ont été évoqués au cours des discussions : un alignement d'États clés sur la proposition permettant une adoption formelle lors d'une réunion ultérieure du Conseil, ou une absence de consensus conduisant à la poursuite des négociations.
Plusieurs responsables ont indiqué que certaines capitales pourraient clarifier leur position dans les heures suivant les débats. Les étapes suivantes dépendront des décisions des États membres et des ajustements éventuels du texte.