Résumé
La Cour des comptes a publié un rapport sur la politique française de lutte contre la fraude fiscale. Le rapport relève un chiffrage insuffisant de la fraude, une confusion fréquente entre fraude, évasion et optimisation fiscales, et une stabilité des résultats financiers issus des contrôles malgré l'accroissement des moyens. Il recommande de finaliser le chiffrage de l'écart fiscal et de prioriser ce travail sur l'impôt sur le revenu, l'impôt sur les sociétés et la TVA.
Contexte et objet du rapport
Le rapport évalue l'état des connaissances sur la fraude fiscale, les résultats des contrôles fiscaux, les méthodes de chiffrage de l'écart fiscal et l'efficacité des instruments de détection et de répression.
Constats principaux
La Cour constate que l'ampleur de la fraude fiscale n'est pas correctement estimée et que les notions de fraude, d'évasion fiscale et d'optimisation fiscale sont souvent confondues. Les données judiciaires et pénales ne montrent pas d'augmentation de la fréquence ni de la sévérité des sanctions par rapport à la décennie précédente.
Chiffres et tendances constatés
Le produit des contrôles fiscaux est resté globalement stable sur la décennie récente : 21,2 milliards d'euros en 2015 et 20,1 milliards d'euros en 2024. Le montant effectivement recouvré par l'administration est estimé à 11,4 milliards d'euros en 2025 contre 12,2 milliards d'euros en 2015. Sur la même période, l'ensemble des recettes fiscales a augmenté d'environ 44 %; sur la période 2013–2023, le volume des impôts collectés a atteint 718 milliards d'euros.
Stratégie numérique et contrôles
La Cour analyse la montée en charge des techniques d'automatisation et de croisement massif des données pour la détection d'anomalies déclaratives, mises en œuvre à partir de 2018. L'administration s'était fixé pour objectif de programmer 50 % de ses contrôles sur la base de ces croisements de données et a atteint cet objectif pour les contrôles des professionnels. Ces techniques ont représenté 13,8 % des droits et pénalités recouvrés en 2023. Parallèlement, les moyens consacrés au contrôle fiscal ont diminué de 19 % entre 2015 et 2024, ce qui a conduit l'administration à privilégier des contrôles ciblés et des dossiers jugés « à forts enjeux ».
Répression pénale
La réforme du régime dit du « verrou de Bercy » a modifié les modalités de transmission des dossiers au parquet en rendant obligatoire la transmission des dossiers comportant plus de 100 000 euros de droits rappelés. Le nombre de dénonciations fiscales a augmenté, tandis que le nombre de condamnations est resté stable. La Cour note une augmentation des signalements et une progression du montant moyen des amendes, une légère diminution de la part des peines d'emprisonnement ferme, un taux élevé de classements sans suite et une part limitée des dossiers renvoyés devant les juridictions pénales.
Définition de l'écart fiscal et recommandations
La Cour définit l'écart fiscal comme la différence entre les impôts théoriquement dus et les impôts effectivement perçus, incluant la fraude, les erreurs de bonne foi et les aléas du recouvrement. Elle recommande que l'administration termine le chiffrage de l'écart fiscal et priorise ce travail sur l'impôt sur le revenu, l'impôt sur les sociétés et la TVA. La Cour fixe cet objectif comme prioritaire pour améliorer la connaissance du phénomène et fonder les décisions publiques sur des estimations méthodiques.
Comparaison internationale
La Cour indique que la France accuse un retard dans l'estimation de son écart fiscal par rapport à d'autres pays. En 2024, 30 % des 58 administrations fiscales de l'OCDE publiaient régulièrement des estimations de leur écart fiscal.
Enjeux et implications
Un chiffrage complet et méthodique de l'écart fiscal vise à éclairer les politiques publiques, à améliorer l'efficience des contrôles et à rendre le débat public plus factuel. La Cour appelle l'administration à prioriser l'estimation de l'écart fiscal pour mieux évaluer la performance du contrôle et orienter les moyens et les stratégies de lutte contre la fraude.








