Objet de la plainte
L’European Center for Constitutional and Human Rights (ECCHR) a déposé à Paris une plainte visant TotalEnergies et « contre X » pour complicité de crimes de guerre, complicité de torture et complicité de disparitions forcées. La plainte a été transmise au Parquet national antiterroriste (Pnat), compétent pour les crimes internationaux.
Allégations principales
L’ECCHR allègue que TotalEnergies a financé et soutenu matériellement la Joint Task Force (JTF), une unité des forces armées mozambicaines créée pour assurer la sécurité du site du projet Mozambique LNG. Selon l’ONG, la JTF aurait détenu, torturé et exécuté des civils aux abords du site du projet pendant une période de crise sécuritaire. Ces faits sont présentés par l’ONG comme s’étant produits alors que le chantier était en suspension après une attaque jihadiste.
Contexte et chronologie
La JTF a été constituée en 2020 à la suite d’un accord entre Tepma 1, filiale locale liée au projet Mozambique LNG, et le gouvernement de Maputo, en vue de sécuriser le site d’Afungi. Des attaques jihadistes ont frappé la région de Palma en 2021, entraînant la suspension des activités du projet et la déclaration d’un cas de force majeure par l’exploitant. Après cette suspension, le site est resté sous la garde de forces locales regroupées au sein de la JTF.
Plusieurs publications journalistiques et rapports internes ont fait état d’accusations selon lesquelles des civils fuyant les combats auraient été interceptés et détenus dans des conteneurs métalliques situés à l’entrée du site. Ces allégations concernent notamment des détentions prolongées, des mauvais traitements et des décès.
Éléments de preuve cités
L’ECCHR fonde sa plainte sur des documents internes au projet Mozambique LNG, sur des rapports transmis à des bailleurs et sur des enquêtes journalistiques. L’ONG cite en particulier des révélations publiées par des médias nationaux et internationaux et sur des enquêtes menées par des journalistes indépendants.
L’ECCHR a également indiqué s’appuyer sur de nouveaux documents obtenus auprès d’autorités néerlandaises faisant état d’échanges entre une agence publique de crédit à l’exportation (Atradius DSB), TotalEnergies et son prestataire de sécurité évoquant des risques d’atteintes aux droits humains liés à l’intervention de forces armées locales.
Des enquêtes journalistiques citées par la plainte font mention d’allégations chiffrées sur l’ampleur des détentions : certaines sources journalistiques rapportent qu’un nombre important d’hommes — évalué dans ces enquêtes entre 180 et 250 — auraient été enfermés dans des conteneurs et que peu d’entre eux en seraient sortis vivants selon ces mêmes enquêtes. Ces éléments sont présentés dans les médias comme des allégations reposant sur témoignages et documents ; TotalEnergies conteste ces faits.
Procédures et enquêtes en cours
Plusieurs enquêtes et démarches ont été annoncées ou lancées :
- au Mozambique : par le bureau du procureur général et par la Commission nationale des droits humains ;
- en France : des juges d’instruction ont ouvert des procédures, et la plainte déposée à Paris a été transmise au Pnat pour examen ;
- par des agences de crédit à l’exportation et des bailleurs ayant examiné ou financé le projet.
Des procédures antérieures et parallèles ont visé le projet, notamment des investigations portant sur des accusations d’homicide involontaire et de non-assistance à personne en danger. Les enquêtes doivent établir la réalité des faits allégués et, le cas échéant, les responsabilités pénales et administratives des acteurs impliqués.
Situation du projet Mozambique LNG
TotalEnergies détient une participation de 26,5 % et assure la fonction d’opérateur du consortium en charge du projet Mozambique LNG. Le chantier avait été suspendu à la suite des attaques de 2021 et le site avait été placé sous la garde de forces locales. L’accord initial entre Tepma 1 et le gouvernement relatif à la constitution de la JTF a été rompu par la suite selon des informations publiques.
Le groupe a indiqué être prêt à relancer le projet, présenté dans certains communiqués comme évalué à environ 20 milliards de dollars. TotalEnergies a aussi communiqué une estimation du surcoût lié au retard du projet, évoquée publiquement à hauteur de 4,5 milliards de dollars, et a présenté la reprise des opérations comme conditionnée à l’accord d’une compensation par les autorités de Maputo et à des ajustements contractuels. Certaines déclarations de l’entreprise mentionnent un horizon de mise en production envisagé.
Impact local et sécurité
La reprise des opérations et le mode de fonctionnement adopté sur le site ont eu des effets économiques locaux signalés par des entrepreneurs et représentants de la société civile, notamment la perte de contrats et de revenus pour des prestataires locaux. La province du Cabo Delgado reste marquée par des violences armées et des déplacements de population. Des forces étrangères ont été déployées pour appuyer les autorités mozambicaines, et des observateurs signalent une évolution de la dynamique sécuritaire dans la région.
Positions des parties
L’ECCHR affirme disposer de documents et de rapports transmis à des financeurs publics qui, selon elle, étayent les allégations. TotalEnergies conteste les accusations, souligne sa coopération avec les enquêtes internes et externes demandées et affirme ne pas disposer d’éléments établissant les faits allégués. Les informations provenant de sources journalistiques, d’ONG et d’acteurs institutionnels divergent sur certains points ; ces divergences sont signalées dans les enquêtes en cours.








