Décision du Conseil constitutionnel et réaction du gouvernement
Le Conseil constitutionnel a censuré une large partie d'une loi visant à allonger la durée de rétention administrative des étrangers jugés dangereux. Cette loi, défendue par le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau depuis son arrivée au gouvernement, prévoyait de porter la durée maximale de maintien en centre de rétention administrative (CRA) de 90 jours à 210 jours pour certaines personnes étrangères. Les personnes ciblées par cette mesure étaient notamment celles en instance d'expulsion, condamnées pour faits graves ou considérées comme représentant une menace particulière pour l'ordre public, telles que le meurtre, le viol, le trafic de stupéfiants, ou le vol aggravé avec violences.
Suite à cette décision, le ministre a exprimé son "extrême préoccupation" dans un communiqué et a annoncé l'élaboration prochaine d'un texte modifié, qui sera soumis pour avis au Conseil d'État, sans en préciser encore les contours. Il a indiqué son intention de présenter rapidement une nouvelle version du projet devant le Parlement.
Contexte de la proposition et motivations
La proposition de loi avait été présentée par une sénatrice du parti Les Républicains (LR) et soutenue par Bruno Retailleau après un meurtre survenu près de Paris en septembre 2024, impliquant un ressortissant marocain visé par une obligation de quitter le territoire français (OQTF) et récemment sorti d’un centre de rétention après plusieurs années de détention.
Retailleau considère que l’augmentation de la durée de rétention permettrait d’accroître les possibilités d’éloignement des étrangers considérés comme dangereux, ce qui, selon lui, renforcerait la sécurité selon les standards de certains pays européens. Il affirme également que l’arsenal juridique français s'écarte désormais du droit européen, citant la possibilité de rétention jusqu’à 18 mois dans certains pays voisins.
Arguments constitutionnels et critiques
La saisine du Conseil constitutionnel avait été effectuée par des députés de l'opposition. Le Conseil a jugé que l’allongement important de la durée de la rétention n'était pas proportionné à l'objectif de lutte contre l'immigration irrégulière. Cette décision a donné lieu à plusieurs réactions : selon Fanélie Carrey-Conte, secrétaire générale de la Cimade (association de défense des droits des migrants), elle rappelle l’importance du respect de l’État de droit et des garanties encadrant la privation de liberté. Plusieurs élus de gauche ont considéré ce rejet comme une réponse à une politique jugée sécuritaire. À l’inverse, certains responsables politiques des partis Les Républicains ou du Rassemblement national ont critiqué la décision, la jugeant contraire à la protection des citoyens français.
Précédents et débats sur l’État de droit
Ce n’est pas la première fois que des mesures similaires proposées par Bruno Retailleau font l’objet d’un examen constitutionnel défavorable. En tant que chef du groupe LR au Sénat, il avait déjà suggéré, lors des débats sur la loi immigration de janvier 2024, l’instauration de conditions de résidence pour l’accès à certaines prestations sociales et la fixation de quotas migratoires, mesures qui ont aussi été censurées.
Bruno Retailleau a également relancé l’idée d’un référendum sur les questions migratoires, estimant que de tels sujets relèvent de la souveraineté populaire, et a défendu la nécessité d’une adaptation régulière des textes en vigueur pour garantir la protection des citoyens, tout en rappelant l’importance du respect des institutions de la République.