Contexte
Le Conseil d'État a déclaré légal le décret créant des quartiers de haute sécurité destinés à placer en détention des personnes mises en cause pour trafic de stupéfiants. La décision a été rendue le 28 octobre 2025, à la suite d'un recours formel déposé par l'Association des avocats pénalistes.
Objet et finalité des quartiers
Ces unités, désignées parfois comme quartiers de lutte contre la criminalité organisée (QLCO), ont pour objectif d'empêcher que des détenus continuent à diriger ou à coordonner des activités criminelles depuis l'intérieur des établissements pénitentiaires. Le régime applicable prévoit un isolement significatif des personnes placées, des contrôles renforcés et des limitations de leurs communications avec l'extérieur. Selon l'administration, ce modèle s'inspire de dispositifs utilisés dans la lutte contre la mafia en Italie.
Décision du Conseil d'État
Le Conseil d'État a estimé que le décret contesté comportait « les garanties nécessaires » tant en matière de procédure administrative que de respect des droits des détenus. Il a jugé que les motifs de placement dans ces quartiers étaient définis par la loi avec une précision suffisante et que les décisions de placement étaient soumises à une procédure contradictoire préalable.
La juridiction a également précisé que les détenus placés dans ces unités conservent, en principe, les mêmes droits que les autres détenus, sous réserve d'aménagements destinés à prévenir tout lien avec des réseaux criminels, notamment par l'application de fouilles intégrales, la tenue de parloirs séparés et des restrictions liées à la téléphonie.
Cadre législatif et validité constitutionnelle
Le régime a été instauré par une loi visant à lutter contre le narcotrafic adoptée en avril 2025. Le Conseil constitutionnel a contrôlé et validé cette loi en juin 2025, préalable à la publication du décret d'application soumis ensuite au contrôle du Conseil d'État.
Mise en œuvre et déploiement
Le premier quartier de ce type a été ouvert à la maison d'arrêt de Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais) sur l'initiative du ministre de la Justice. Près de 90 détenus y ont été transférés entre la fin juillet et le début août 2025. Un deuxième quartier devait commencer à fonctionner à Condé-sur-Sarthe (Orne) dans les semaines suivantes. Le ministre a annoncé l'ouverture prochaine d'autres unités à Valence, Aix-en-Provence, Réau et d'un futur établissement en Guyane, visant à accueillir, à terme, plusieurs centaines de personnes considérées comme très dangereuses.
Parmi les cas évoqués dans le débat public figure celui de Mohamed Amra, dont le transfert vers l'un de ces quartiers a été soumis en justification. Sa fuite, survenue en mai 2024 lors d'une évasion dans l'Eure et ayant entraîné la mort de deux agents pénitentiaires, a été invoquée par les autorités pour légitimer le renforcement du régime carcéral.
Recours et contestations judiciaires
Outre le recours de l'Association des avocats pénalistes, plusieurs dizaines de détenus ont saisi les juridictions administratives et judiciaires pour contester leur transfert et leurs conditions de détention dans ces quartiers. Selon les décisions disponibles, ces recours ont été rejetés.
Réactions et débats
La mise en place de ces quartiers a suscité diverses réactions. Le ministre de la Justice a salué la validation juridique du dispositif et présenté son adoption comme une évolution de la politique carcérale visant à empêcher la gestion de trafics depuis l'intérieur des prisons. Des élus locaux et des avocats ont exprimé des réserves, comparant le régime proposé à des dispositifs antérieurs et soulevant des questions sur le traitement des personnes détenues et l'impact des mesures d'isolement.
Observations procédurales
La décision du Conseil d'État porte sur la légalité du décret d'application et non sur l'opportunité politique du dispositif. Elle souligne que les garanties procédurales prévues par le décret sont, selon la juridiction, suffisantes pour encadrer les placements et préserver les droits fondamentaux des personnes concernées, dans la mesure où des limitations sont jugées nécessaires pour prévenir les liaisons avec des réseaux criminels.








