Contexte législatif
Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) a de nouveau fait l'objet de débats à l'Assemblée nationale au début de décembre 2025. L'examen porte sur la version modifiée transmise par le Sénat, qui a retoqué ou amendé plusieurs dispositions votées en première lecture par les députés, notamment la suspension précédemment adoptée de la réforme des retraites.
L'article 49, alinéa 3, de la Constitution permet au gouvernement d'engager sa responsabilité pour faire adopter un texte sans vote à l'Assemblée nationale, sauf si une motion de censure est adoptée dans les jours qui suivent. L'usage de cette procédure, évoqué dans le cadre du PLFSS et du projet de loi de finances (PLF) pour 2026, suscite un débat politique intense.
Déroulement récent des débats (début décembre)
Le 2 décembre 2025, les députés ont repris l'examen du PLFSS en nouvelle lecture. Les discussions ont porté en priorité sur la partie "recettes", préalable nécessaire à la poursuite de l'examen. Les débats ont été nourris par un grand nombre d'amendements et par des dissensions entre groupes parlementaires : réindexation des minimas sociaux et des pensions sur l'inflation, suspension ou non de la réforme des retraites, évolution de la contribution sociale généralisée (CSG) sur les revenus du capital et modulation des franchises médicales.
Le gouvernement a fixé un vote solennel pour le PLFSS le mardi 9 décembre 2025. Le scrutin sur la partie recettes était susceptible d'entraîner l'abandon de l'ensemble du texte en cas de rejet.
Positions du gouvernement et de la majorité
Le Premier ministre, Sébastien Lecornu, a confirmé en séance qu'il n'entendait pas recourir à l'article 49.3 pour faire adopter le PLFSS ni engager la responsabilité du gouvernement sur ce texte. Il a appelé les présidents de groupes parlementaires à rechercher une "cohérence" pour contenir le déficit de la Sécurité sociale au niveau fixé par l'exécutif.
La porte-parole du gouvernement, Maud Bregeon, a réaffirmé publiquement que le recours au 49.3 n'était pas envisagé et a exhorté à laisser le débat parlementaire se tenir jusqu'au vote. Les ministres ont mis en garde contre les conséquences financières d'une non-adoption du PLFSS avant la fin de l'année, évoquant un creusement du déficit en l'absence de loi de financement.
Appels au recours au 49.3 et positions des groupes parlementaires
Plusieurs responsables politiques ont appelé le Premier ministre à envisager le recours à l'article 49.3 pour sortir de l'impasse budgétaire. Parmi eux figuraient des élus et responsables des Républicains (Bruno Retailleau, Laurent Wauquiez, Philippe Juvin), le président du Sénat (Gérard Larcher), des personnalités d'Horizons (Édouard Philippe) et des centristes (Marc Fesneau, Hervé Marseille). Ils ont estimé que la procédure constitutionnelle permettrait d'adopter rapidement les textes budgétaires quand il est difficile d'assembler une majorité sur le fond.
Au sein du Parti socialiste, certains responsables ont admis que l'hypothèse du 49.3 ne devait pas être totalement exclue, tandis que d'autres ont maintenu une opposition catégorique. Les écologistes ont refusé un gel partiel des pensions au-dessus d'un certain seuil et formulé des exigences sur d'autres mesures sociales. Le Rassemblement national a déclaré des réserves et posé des conditions à tout soutien éventuel.
Points techniques et enjeux budgétaires
Les tensions se concentrent sur plusieurs mesures : la suspension ou le dégel des revalorisations de pensions et des minimas sociaux ; la hausse de la CSG sur les revenus du capital, évaluée à plusieurs milliards d'euros dans les projections parlementaires ; la modulation des franchises médicales et du reste à charge pour les patients ; et la recomposition des recettes, notamment par des niches fiscales affectant les ressources de la Sécurité sociale.
Le gouvernement a chiffré le déficit supplémentaire possible en l'absence d'adoption du PLFSS et a souligné l'absence d'un "plan B" législatif couvrant la période entre la fin de l'exercice et l'adoption d'un texte.
Mobilisations sociales et perturbations
Le 2 décembre 2025, des syndicats (CGT, FSU, Solidaires) ont appelé à une journée nationale de mobilisations et de grève, visant des revendications salariales et le rejet de mesures d'austérité. Des rassemblements et cortèges ont eu lieu sur tout le territoire, dont une manifestation à Paris l'après-midi.
Les autorités de transport ont prévu un impact limité sur le trafic national : la SNCF a maintenu la plupart des TGV mais annoncé des perturbations locales sur certaines liaisons TER et Intercités. En Île-de-France, la RATP a anticipé un trafic généralement normal. Dans le secteur éducatif, des fermetures de cantines et des fermetures partielles d'établissements ont été signalées localement (par exemple à Marseille), et des services administratifs ont indiqué des risques de fermetures partielles selon les préavis déposés.
Rapport de la Cour des comptes sur la démographie et les finances publiques
La Cour des comptes a publié un rapport analysant les conséquences du vieillissement démographique sur les finances publiques. Le document rappelle des tendances structurelles : baisse de la fécondité, allongement de l'espérance de vie et augmentation de la part des personnes âgées dans la population. Il fournit des estimations démographiques et financières à long terme (évolution de la part des 65 ans et plus et projections à l'horizon 2070) et anticipe une diminution des effectifs en âge de travailler sur plusieurs décennies.
La Cour souligne que ces évolutions pèsent sur les recettes publiques et augmentent les dépenses liées aux retraites, à la santé et à la dépendance, et qu'elles nécessitent des choix sur les modalités de financement et l'organisation du temps de travail au cours de la vie professionnelle.
Calendrier et enjeux pour la suite
Les votes sur la partie recettes peuvent entraîner l'abandon du texte si la majorité parlementaire se dérobe. Le calendrier prévoit des séances d'examen prolongées et des allers-retours possibles entre l'Assemblée nationale et le Sénat avant l'adoption définitive. Les prochaines étapes incluent la poursuite des discussions en séance, le vote solennel et des consultations entre le gouvernement et les présidents de groupes pour tenter de rassembler des voix.
Le débat met en lumière des désaccords sur l'équilibre entre recettes et dépenses, la répartition des efforts entre fiscalité et cotisations, et la méthode d'adoption des textes en période de pluralité politique à l'Assemblée nationale.
À retenir
- Le gouvernement a déclaré ne pas vouloir recourir à l'article 49.3 pour adopter le PLFSS, alors que plusieurs responsables politiques ont demandé son usage.
- L'Assemblée nationale a repris l'examen du PLFSS après des amendements du Sénat; le vote sur la partie recettes est déterminant.
- Des mobilisations syndicales nationales ont accompagné les débats, provoquant des perturbations locales dans les transports et les services scolaires.
- La Cour des comptes a publié des projections montrant l'impact du vieillissement démographique sur les finances publiques.








