Plusieurs enseignes Carrefour ont été fermées ou rebrandées dans certains pays arabes ces derniers mois. Ces modifications ont été menées par le franchisé régional Majid Al Futtaim, qui a remplacé l'enseigne Carrefour par sa propre marque HyperMax dans plusieurs États. Les motifs avancés par l'exploitant, les revendications de militants et les analyses d'experts divergent.
Fermetures et changement d'enseigne
Le groupe Majid Al Futtaim a fermé ou rebrandé des magasins Carrefour en Jordanie, à Oman, au Koweït et à Bahreïn, en les remplaçant par l'enseigne HyperMax, qu'il présente comme une marque locale. Le groupe continue d'exploiter la marque Carrefour dans d'autres pays de la région, notamment en Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis. Majid Al Futtaim a invoqué une "demande croissante pour des produits et services locaux" comme motif du repositionnement, sans mentionner explicitement un boycott.
Accusations et mouvement de boycott
Le mouvement BDS (Boycott, désinvestissement, sanctions contre Israël) et d'autres soutiens de la cause palestinienne ont ciblé Carrefour, l'accusant d'avoir des liens commerciaux avec des entreprises israéliennes actives dans les colonies en Cisjordanie via des partenariats de franchise et d'importer des produits en provenance de ces territoires. Des responsables du mouvement ont par ailleurs affirmé que Carrefour-Israël aurait apporté un soutien matériel à des soldats israéliens engagés dans des opérations dans la Bande de Gaza.
Réactions de consommateurs et militants
Plusieurs consommateurs et militants ont présenté le retrait ou le rebranding de l'enseigne comme une victoire du mouvement de boycott. Un représentant local du mouvement a qualifié la disparition de Carrefour de "grande victoire". Une cliente a déclaré que Majid Al Futtaim avait "écouté ses clients" et s'est dite satisfaite du désengagement. Un employé, souhaitant garder l'anonymat, a indiqué une baisse de fréquentation des magasins Carrefour au cours des dix-huit mois précédant le changement d'enseigne, puis une augmentation de la clientèle après le rebranding, en particulier parmi des ressortissants bahreïnis et d'autres pays arabes.
Position officielle de Carrefour
La direction de Carrefour affirme maintenir une position de neutralité. Le groupe a indiqué, via son PDG, sa "stricte neutralité" et assuré qu'il n'y avait jamais eu, et qu'il n'y aurait jamais, de magasins Carrefour dans un territoire occupé.
Analyses économiques et stratégiques
Plusieurs analystes considèrent que les fermetures et le repositionnement s'inscrivent dans un ensemble de facteurs commerciaux. Un cabinet d'analyse a notamment évoqué un recentrage géographique des activités et la détérioration de la santé financière du distributeur. Majid Al Futtaim a publié des chiffres faisant état d'une baisse de 10 % des revenus de son activité de distribution en 2024, et d'une baisse de 1 % des revenus au premier semestre 2025. Le groupe a mentionné l'impact possible des tensions géopolitiques sur le moral des consommateurs.
Des économistes ont estimé que, dans un contexte de forte demande des consommateurs du Golfe, le changement d'enseigne pouvait également refléter des préoccupations liées au boycott de la marque. Certains observateurs ont par ailleurs souligné que, dans des contextes où la liberté d'expression est restreinte, le boycott constitue un moyen d'expression économique utilisé par des citoyens et des groupes militants.
Contexte politique régional
L'opinion publique dans plusieurs pays du Golfe reste majoritairement favorable à la cause palestinienne. Simultanément, certains États de la région ont normalisé leurs relations avec Israël, comme Bahreïn qui a établi des relations diplomatiques en 2020. La conjonction de ces dynamiques diplomatiques, commerciales et sociétales explique en partie la diversité des interprétations autour des fermetures et du rebranding des magasins Carrefour dans la région.