Contexte
L'Assemblée nationale examine le projet de loi de finances pour 2026. Les débats sur la partie « recettes » ont donné lieu à plusieurs amendements visant à renforcer la fiscalité des grandes entreprises et des patrimoines élevés. La presse a rendu compte des échanges et des votes intervenus autour de mesures telles que l'alourdissement de la taxe dite « Gafam » et d'un dispositif visant les bénéfices des multinationales. Les éléments rassemblés ici correspondent aux débats rapportés au 29 octobre 2025.
Proposition initiale de Gabriel Zucman
L'économiste Gabriel Zucman a proposé une taxe ciblant les très hauts patrimoines. Dans sa version initiale, il préconise un impôt minimum annuel de 2 % sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d'euros, sans dérogation.
Amendement du Parti socialiste (qualifié « Zucman light »)
Le groupe socialiste a déposé un amendement visant à reprendre certains principes de la proposition de Zucman mais en modifiant plusieurs paramètres. Les caractéristiques principales de cet amendement sont les suivantes :
- assiette : patrimoines imposables à partir de 10 millions d'euros ;
- taux : 3 % annuel ;
- exclusions : entreprises innovantes (« start-up ») et entreprises dites familiales sous certaines conditions ;
- critère d’exonération des entreprises familiales : l'exonération est limitée aux cas où le foyer fiscal détient un certain niveau de contrôle (mention d'un seuil de 51 % des parts et droits de vote dans la formulation présentée) ;
- rendement annoncé : estimations communiquées par les promoteurs de l'amendement situant le produit autour de plusieurs milliards d'euros (chiffres communiqués autour de 5 à 7 milliards selon les versions et hypothèses).
Cet amendement a été baptisé dans le débat « Zucman light » en raison des différences avec la version proposée par Gabriel Zucman (plancher et taux différents, exclusions ciblées).
Positions et arguments
Gouvernement et majorité : le Premier ministre a déclaré son opposition à toute taxation portant sur le patrimoine professionnel. Le camp macroniste a également exprimé des réserves sur l'impact des mesures proposées sur l'appareil productif et sur la légalité ou la faisabilité de certains dispositifs.
Parti socialiste : le PS défend l'amendement comme une modalité pour faire contribuer les hauts patrimoines et a mis en avant la nécessité de trouver des recettes pour compenser des mesures comptables figurant dans le budget. Le premier secrétaire a menacé de déposer une motion de censure en cas de refus catégorique de taxation des hauts patrimoines.
Autres groupes parlementaires : plusieurs groupes se sont déclarés hostiles à la mesure telle qu'elle figure dans l'amendement, en particulier lorsque celle-ci paraît toucher le patrimoine professionnel. Des propositions alternatives ont été évoquées, notamment des dispositifs ciblés sur la fortune financière, les holdings ou d'autres véhicules susceptibles de limiter l'optimisation.
Économistes et représentants du monde économique : des voix académiques et patronales ont critiqué l'idée d'une taxe sur le patrimoine en soulignant les risques potentiels pour l'investissement et l'innovation. L'économiste à l'origine de la proposition a également mis en garde contre les risques d'« échappatoires » lorsque des exonérations sont introduites.
Juristes et praticiens : des observations techniques ont été formulées sur les modalités d'exonération, la fragmentation du patrimoine entre foyers fiscaux et les possibilités d'optimisation fiscale pouvant réduire l'assiette.
Débats parlementaires en cours
Lors de l'examen budgétaire, d'autres mesures fiscales ont été adoptées ou discutées, notamment :
- le doublement du taux de la taxe dite « Gafam » sur les entreprises numériques, porté de 3 % à 6 % pour certaines assiettes retenues ;
- l'adoption d'un dispositif visant à taxer les bénéfices des multinationales proportionnellement à leur activité réalisée en France (« impôt universel ») par une coalition de députés de gauche et du Rassemblement national ;
- le vote d'amendements sur d'autres contributions temporaires ou ciblées (surtaxes sur les grandes entreprises, contributions sur certains revenus ou dividendes exceptionnels, etc.).
Plusieurs responsables parlementaires ont indiqué que la discussion sur la taxe inspirée de Zucman devait intervenir vers la fin de la semaine suivante au moment couvert par les informations disponibles. Le rapport de force dans l'hémicycle et les réserves exprimées par la majorité laissent envisager des négociations ou la recherche d'un compromis technique plutôt qu'un vote immédiat en l'état.
Enjeux techniques et options de compromis
Les principaux points techniques et politiques qui structurent le débat sont :
- détermination de l'assiette (plancher patrimonial, prise en compte ou exonération du patrimoine professionnel, traitements des participations dans des holdings) ;
- taux et modalités de calcul (taux forfaitaire, taux progressif, imputation sur autres impôts) ;
- risques d'optimisation et d'évitement fiscal si des exonérations sont introduites ;
- compatibilité juridique et internationale, en particulier pour des mesures visant les multinationales ou les revenus réalisés hors de France ;
- estimation du rendement et de l'effet macroéconomique sur l'investissement et l'emploi.
Des propositions de compromis évoquées dans le débat incluent des dispositifs ciblés sur la fortune financière, des mécanismes différenciés pour les patrimoines professionnels et non professionnels, ou des taxes visant spécifiquement les holdings pour contrecarrer des stratégies d'optimisation.
Conclusion
La proposition qualifiée de « Zucman light » a déplacé le débat sur la taxation des patrimoines très élevés dans le cadre de l'examen du budget 2026. Les discussions parlementaires font ressortir des clivages sur la portée des mesures, leur impact sur le tissu productif et leur faisabilité juridique. Le calendrier parlementaire et les alliances de vote rendent incertaine l'adoption d'une version comparable à celle proposée par le PS, et le débat semble propice à des aménagements techniques ou à des solutions de compromis portant sur l'assiette et la lutte contre l'optimisation fiscale.








