Introduction
Sur une période d’un mois, la séquence budgétaire a couvert la présentation et l’examen parlementaire du projet de loi de finances (PLF) et du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). L’objectif affiché est une consolidation des comptes publics autour d’un ajustement proche de 30 milliards d’euros, avec une cible de déficit à 4,7 % du PIB, combinant recettes nouvelles et économies. Les débats, menés dans un contexte politique sans majorité absolue, ont donné lieu à de nombreux amendements, à des reconfigurations de mesures fiscales et sociales et à des options procédurales en cas de calendrier contraint.
Chronologie détaillée des événements
Le 1 octobre 2025: Annonces gouvernementales d’inscription, dans le PLFSS, de mesures visant à améliorer la retraite des femmes (prise en compte d’un nombre moindre d’années pour le calcul de la pension selon le nombre d’enfants et prise en compte de trimestres maternité pour « carrière longue »), à la suite d’un conclave social.
Le 9 octobre 2025: Démission du Premier ministre. L’exécutif confirme le maintien du calendrier budgétaire et le dépôt du PLF dans les délais, tout en évoquant les outils juridiques disponibles en cas de blocage (vote séparé, loi spéciale, dispositifs de l’article 47).
Le 13 octobre 2025: Dépôt du projet de loi de finances à l’Assemblée nationale. La trajectoire vise 30 milliards d’ajustement et un déficit autour de 4,7 % du PIB, avec un calendrier prévoyant un vote solennel de la partie recettes début novembre.
Le 14 octobre 2025: Présentation en Conseil des ministres des grandes lignes PLF/PLFSS: effort global proche de 30 milliards, hypothèses macroéconomiques jugées incertaines par le HCFP, mesures fiscales ciblant hauts revenus et grandes entreprises, gels ou sous-indexations de prestations et économies en santé.
Le 15 octobre 2025: Ouverture de l’examen parlementaire. Mesures détaillées: gel du barème de l’impôt sur le revenu (rendement estimé ~1,9 Md€), contributions et surtaxes sur hauts revenus et grands groupes, taxation des holdings, taxe sur petits colis importés, fiscalité du vapotage; côté dépenses/PLFSS: gel de l’indexation de pensions en 2026, remplacement envisagé de l’abattement de 10 % sur pensions par un forfait, doublement de franchises médicales, contribution de 2,05 % sur complémentaires santé, ajustements sur arrêts maladie; dispositions sectorielles (biocarburants, apprentis). L’exécutif renonce à l’usage du 49.3 et appelle au compromis; annonces de positions des groupes (dont réintroduction d’une contribution sur très hauts patrimoines par amendement).
Le 17 octobre 2025: Précisions procédurales et calendrier rectifié: délais constitutionnels PLF/PLFSS, possibilité d’outils exceptionnels si échéances non tenues; rappels des mesures fiscales (taxe holdings, options sur PFU, surtaxes sectorielles) et économies en santé.
Le 18 octobre 2025: Clôture des dépôts d’amendements sur la partie recettes en commission des Finances: volume proche de 1 700 amendements; organisation des travaux sur trois jours.
Le 20 octobre 2025: Début de l’examen en commission des Finances (partie recettes). Débats sur hauts patrimoines, niches fiscales, barème IR, fiscalité environnementale. Adoption d’une indexation limitée à la première tranche du barème; prolongation de la contribution différentielle sur hauts revenus; autres ajustements (défiscalisation de certaines pensions alimentaires, réécritures sur taxe holdings). Le contexte inclut la dégradation récente d’une note souveraine.
Le 21 octobre 2025: Rejet en commission de la « taxe Zucman » (impôt minimum sur très hauts patrimoines). Rappels de mesures parallèles dans le PLF: réduction de la CVAE, reconduction d’une surtaxe d’IS ciblant très grandes entreprises, resserrement de niches; poursuite des votes d’ajustements techniques.
Le 22 octobre 2025: Plusieurs évolutions en commission: chiffrage révisé des amendements (autour de 6 Md€ après nouvelles recettes), propositions anti‑évasion (dont variantes d’« exit tax »), modification de la taxe holdings (y compris une version due au décès), amendements sectoriels (énergie: plafonnement des marges et révision des méthodes tarifaires; immobilier: taxation des plus-values sous conditions sur résidence principale). En parallèle, annonce d’une lettre rectificative au PLFSS suspendant provisoirement la réforme des retraites de 2023 avec coûts estimés (≈100 M€ en 2026; ≈1,4 Md€ en 2027) et financement par hausse de la contribution exceptionnelle des complémentaires santé (de 2,05 % à 2,25 %) et sous‑indexation accrue des pensions en 2027; gel de l’âge/durée pour la génération 1964 durant la suspension.
Le 23 octobre 2025: Rejet en commission du volet « recettes » (37 contre, 11 pour). Présentation, le même jour, d’un contre‑budget du Rassemblement national visant 36 Md€ d’économies, détaillant priorités de coupes et hypothèses de recettes et dépenses.
Le 24 octobre 2025: Ouverture de l’examen en hémicycle (partie recettes). Coalitions ponctuelles modifient l’équilibre du texte.
Le 25 octobre 2025: Votes majeurs en séance: rejet du gel du barème IR et adoption d’une réindexation sur l’inflation (~1,1 %); défiscalisation intégrale des heures supplémentaires (coût ≈1 Md€); inversion du régime fiscal des pensions alimentaires (plafonds 4 000 €/enfant; 12 000 €/foyer; impact ≈450 M€/an); prolongation de la contribution différentielle sur hauts revenus jusqu’au retour du déficit <3 % du PIB (produit ≈1,5 Md€ en 2026); abaissement du plafond de l’abattement des journalistes; transformation d’une réduction d’impôt Ehpad en crédit d’impôt.
Le 26 octobre 2025: Rappels de procédure (délais de navette, CMP, ordonnances possibles en ultime recours). Poursuite de l’agenda: vote solennel de la partie recettes annoncé début novembre.
Le 27 octobre 2025: Confirmation d’un cadrage PLFSS intégrant la suspension provisoire de la réforme des retraites, objectif de déficit de la Sécu réduit et économies en santé; débats politiques intenses (négociations autour d’une version allégée d’un impôt sur très hauts patrimoines; options sur CSG capital; prolongation d’exonérations pour pourboires).
Le 28 octobre 2025: Poursuite des débats: proposition gouvernementale d’accroître le rendement de la surtaxe sur bénéfices des grandes entreprises à ~6 Md€; adoption d’un amendement visant une taxation des multinationales en proportion de l’activité en France; débats PLFSS sur gel de pensions, encadrement des arrêts maladie, franchises, et création d’un congé de naissance.
Le 31 octobre 2025: Bilan intermédiaire de première lecture: rétablissement en séance d’une version d’« exit tax » et recentrage de la taxe sur holdings vers des actifs « somptuaires »; critiques gouvernementales d’amendements jugés inopérants (dont un impôt minimal effectif sur le chiffre d’affaires réalisé par les multinationales); avis de la Cour des comptes soulignant la fragilité de la trajectoire du PLFSS; tensions sur le rythme d’examen et risques de débordement des délais.
Le 3 novembre 2025: Constat d’un volume d’amendements restant élevé et d’une probabilité de non‑achèvement dans les délais à l’Assemblée; scénarios procéduraux envisagés (transmission au Sénat, CMP, loi spéciale le cas échéant) dans un contexte de négociations difficiles, marqué par des boycotts de réunions intergroupes.
Évolutions et corrections entre articles
- Barème de l’impôt sur le revenu: proposé gel (15/10) corrigé en commission par indexation limitée de la première tranche (20/10), puis réindexation générale adoptée en séance (25/10), annulant l’effet budgétaire attendu du gel (~2 Md€).
- Contribution des complémentaires santé: taux annoncé à 2,05 % pour 2026 (15/10), relevé à 2,25 % via lettre rectificative pour financer la suspension des retraites (22/10).
- Surtaxe sur bénéfices des grandes entreprises: produit estimé autour de 4 Md€ (21/10) rehaussé à un objectif d’environ 6 Md€ (28/10).
- Taxe sur les holdings: proposition initiale (mi‑octobre) remaniée/supprimée en commission (20/10), ensuite recentrée en séance sur des actifs « somptuaires » (31/10), modifiant l’assiette et le rendement.
- « Exit tax »: non prévue initialement; réintroduction adoptée en première lecture (31/10).
- Abattement retraite: remplacement par un forfait envisagé (14–15/10), puis rétablissement par la commission de l’abattement de 10 % (23/10).
- Taxation des multinationales: adoption d’un dispositif d’imposition proportionnelle à l’activité en France (28/10), parallèlement à des critiques gouvernementales d’une autre proposition d’impôt minimal effectif sur le chiffre d’affaires jugée inapplicable (31/10).
Concordances
- Objectif financier: ajustement proche de 30 Md€ combinant économies (
17 Md€) et recettes (14 Md€), avec une cible de déficit autour de 4,7 % du PIB. - Procédure: calendrier resserré, navette Assemblée–Sénat, CMP en cas de désaccord, et existence de mécanismes de continuité (loi spéciale/ordonnances) en ultime recours.
- Orientation des mesures: ciblage des hauts revenus et grandes entreprises, économies en santé, gels/sous‑indexations ponctuelles de prestations, contribution des collectivités locales (~4,6–4,7 Md€).
Divergences
- Fiscalité des patrimoines: rejet en commission de la « taxe Zucman » (20/10) mais maintien du débat en séance avec variantes; opposition persistante de l’exécutif et de plusieurs groupes.
- Barème IR: trajectoire gouvernementale (gel) renversée par les votes en séance (réindexation générale), avec effets budgétaires inverses.
- Dispositions sectorielles: mesures énergie (plafonnement des marges; révision des TRV) et immobilier (plus‑values sur résidence principale sous conditions) adoptées en commission mais susceptibles d’évoluer en navette.
- Appréciation de la soutenabilité: avis de la Cour des comptes pointant la fragilité de la trajectoire du PLFSS versus cadrage gouvernemental.
Implications Potentielles
- Ménages et retraités: réindexation du barème IR limitant l’augmentation d’impôt pour les revenus modestes; défiscalisation des heures supplémentaires; gel des pensions en 2026 et sous‑indexation accrue ultérieure; modifications envisagées puis débattues de l’abattement sur pensions; franchises et participations médicales relevées; régime fiscal des pensions alimentaires ajusté.
- Entreprises: maintien/relèvement d’une surtaxe d’IS à rendement accru; réduction progressive de la CVAE; éventuelle imposition renforcée de holdings et réintroduction d’une « exit tax »; taxation additionnelle des multinationales adoptée en première lecture; impacts sectoriels (énergie, biocarburants, apprentissage) et réduction des financements pour CCI.
- Collectivités et secteurs sociaux: contribution financière des collectivités territoriales (~4,6–4,7 Md€); tensions de financement pour l’IAE, l’ESS et les entreprises adaptées évoquées; effet potentiel sur services et accompagnements.
- Procédure et crédibilité: risque de recours à CMP/loi spéciale en cas de délais; incertitudes macro‑budgétaires relevées par des institutions de contrôle.
Conclusion
La séquence budgétaire met en évidence une double dynamique: consolidation des comptes par combinaisons de hausses ciblées et d’économies, et reconfigurations substantielles issues des votes parlementaires. Plusieurs mesures structurantes ont été amendées (barème IR, surtaxe d’IS, dispositifs anti‑évasion, paramètres du PLFSS), tandis que d’autres demeurent discutées (taxation des très hauts patrimoines, calibrage des économies en santé). L’issue finale dépend des arbitrages de navette et de la capacité à sécuriser, dans les délais, un corpus cohérent assurant la continuité budgétaire et la soutenabilité des finances publiques.















































